Quels pitons pour l’escalade mixte au Québec?

Piton dans une fissure

Les pitons sont un outil souvent sous estimé dans l’escalade moderne. Ils abîment la roche, ils sont lourds. Très rapidement, ils sont relégués au rang de reliques inutilisées.

Mal utilisés, en effet, les pitons peuvent abîmer la roche, et certains modèles sont bel et bien désuets. Tâchons ensemble de dresser un portrait réaliste de l’utilisation des pitons dans l’escalade mixte moderne au Québec et d’analyser la pertinence de cet outil.

Mieux vaut un piton qui chante qu’une veuve qui pleure.

Cette citation classiques de l’alpinisme Français (par Georges « Le Grec » Livanos) donne déjà le ton. Le piton est un outil historique crédible, simple, quasi barbare comparé à nos cames et autres coinceurs mécaniques raffinés. Le piton est en métal, ne gèle pas, ne trahit pas. Le piton chante juste ou se tait.

Crevons l’abcès tout de suite: à part en escalade artificielle, aucune voie au Québec ne demande de façon obligatoire usage de pitons comme protection.

Cela dit, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Ces morceaux de métal chantants restent d’une utilité certaine pour les grimpeurs qui aiment sortir les mailloches et les talons hauts en hiver (aka, les piolets et les crampons). En effet, quand les fissures sont gelées, quand les cames ont pris la neige, quand les fissures se referment, que reste-il? Il reste le courage et la capacité du grimpeur à engager, à prendre des risques. Mais il reste aussi une autre option. Celle de revenir à la préhistoire, se faire homme des cavernes, sortir du mythe du « clean » à tout prix, et ouvrir son oeil à des options de protections différentes.

Les pitons ouvrent des possibilités. Ils permettent d’avoir plus de protections dans des conditions normales, ou encore d’assurer une sécurité minimale dans des conditions dégradées. L’art de la pose de pitons permet au grimpeur habile de se tricoter un fillet de sécurité dans des situations qui dépassent la complexité des outils modernes. Ils sont également faciles à laisser derrière pour une réchappe, et relativement peu dispendieux.

Pour les technicités liées au marteau, je vous invite à vous référer à cet article dédié: Le marteau: frapper avec subtilité.

Les pitons utiles en escalade hivernale

Pour la plupart des pitons, la qualité du placement est directement liée au son émit lors de la pose. En effet, si la roche est solide et meuble, les vibrations des coups seront parfaitement répercutées dans le métal. Plus le piton rentre et raccourcit, plus le son va devenir aigu. En théorie, il faut s’arrêter lorsque l’on entend deux fois la même note. En pratique, le leader en situation de panique prendra souvent le soin de donner quelques derniers coups, « juste au cas où ».

Le rack minimum syndical

Selon moi ces 3 ou 4 pitons devraient vous sortir de la plupart des situations rencontrées dans une pratique « normale » du mixte.

  • Knife Blade (1 court et un 1 long): Se placent dans les fissures les plus fines, permettant de transformer ces « seams » en opportunités de protection parfois très solides. Placées à la verticale ils sont particulièrement convaincants. Deux tailles permettront de maximiser les options. Note: plusieurs marques font des Knife Blade épais (style Bugaboos de BD). Ils sont intéressants, mais lourds. Pour plus de versatilité, il est tout à fait envisageable d’amener deux Knife Blade réguliers, et les stacker (empiler) au besoin! Cela donnera plus de versatilité.
  • Universel: Permettra d’aller chercher les fissures un peu plus larges. Ceux de Camp ont un point de connexion en angle, permettant de torquer le piton dans la fissure, créant à priori un placement plus solide. Les modèles chromoly (couleurs argent) sont faits dans un aliage plus mou, et permettent de moins forcer sur la fissure dans le cas de roche un peu moins qualitative.
    • Camp Universal: Très bon piton, surtout dans la plus petite taille. Léger, très solide. Il est possible de l’avoir en chromoly. Alliage plus mou, il abîmera moins la roche.
    • Kong Porthos: équivalent au camp, à peine plus lourd, mais beaucoup moins cher.
  • Baby angle: Il permettra de protéger les fissures gelées, environ de tailles .1 à .2. C’est celui qui est le plus utile, en particulier sur le Mont du Gros-Bras. C’est le piton le plus sonore, toujours un réel plaisir à entendre chanter. À garder sur le bord du harnais, en tout temps.
    • Camp Corner: la cadillac du baby angle.
    • Kong Aramis: un peu plus long que le corner, mais très accessible niveau prix, et fait un super travail.
    • Vertical Channel: un piton intéressant surtout par son prix. Sa largeur rend la pose parfois difficile, et l’absence d’oeillet dédié pour la pose de mousqueton peut être problématique.

Le rack avancé, border line artif

  • Beaks (#1, #2, #3): Là c’est pour l’amant du marteau, les gens déterminés à grimper des lignes désespérées, ou qui veulent le plus d’options possibles. En artif, ces pitons ont révolutionnés l’escalade moderne, et en grande montagne, ces pitons sont des classiques indispensables. Au Québec, vu la taille de nos collines, ils ne sont que rarement utilisés. À noter, les Beaks n’endommagent quasiment pas la roche. Même au retrait. Ils sont a des années lumières des dégâts laissés par les angles.

Les trucs qu’on ne veut pas

  • RURP: inutile, très peu utilisé de nos jours. Même dans du A4 on en prend juste 1 ou 2 pour la forme…
  • Lost Arrow: ces pitons sont désuets. Lourds, impact élevé sur la roche. Ils sont importants dans certaines voies en artif au Yosemite, mais aucune utilité d’en avoir en escalade hivernale.

Très peu de magasins tiennent des pitons en stock. Je recommande de passer par une entreprise Québécoise locale et impliquée dans la communauté: Verti Call. Bonne sélection de pitons, de grandes marques mais aussi de petits fabricants, permettant d’aller chercher des prix intéressants.

Sélection de pitons pour l’escalade mixte chez Verti Call.

Si vous êtes dans l’ouest, votre fournisseur le plus proche (et donc avec le moins d’impact environnemental) sera sans doute Climb On Equipment, malgré un inventaire moins diversifié.

Conclusion

J’espère que ce tour d’horizon aura clarifié le rôle des pitons dans l’escalade mixte. Ils ouvrent de grandes possibilités et permettent de trouver assurance là où on ne distinguait que verglas et doute. Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités, soyez respectueux de votre environnement et des voies où vous amenez ces savoirs faire.

Exemple de piton douteux, mais qui donne des options.